De la grandeur de nos écrivains
J'ai la consolation de voir que tous les fabricateurs de systèmes n'en savaient pas plus que moi
(Voltaire, Correspondance)
Soyez plutôt maçon si c'est votre talent,
Ouvrier estimé dans un art nécessaire,
Qu'écrivain du commun et poëte vulgaire
(Nicolas
Boileau-Despréaux, Art Poétique, Chant IV)
Je suis bien aise de t’avoir aidé à
découvrir que ce que tu fais peut être intéressant. Pour le théâtre, j’ai participé à nombre d’ateliers
de formation (si tu me le permets, j’en profite pour remercier des comédiens de
métier comme Téchelet Nicolas, Édouard Baptiste (Youyou), Jude Richard, avec
qui j’ai commencé à travailler, Marcel Méhu,
Jean Cajou, Guy Régis Jr, Jean George Tartar(e), Joujou Turenne, entre
autres, qui m’ont aidé à me découvrir – tu sais, sans doute, combien la pratique
du théâtre est révélatice !) et je me suis passionné beaucoup plus pour la
mise en scène que pour la scène. Ceci dit, je te remercie pour les rôles mais
ils dépassent et mon emploi du temps et mes convictions profondes (je me méfie
des rôles d’un théâtre que je ne comprends pas, pardonnez-moi de te paraitre
borné !) Je reconnais que la littérature est ce lieu où tout est possible,
où l’on peut se livrer à tous les jeux – mais est-ce jouer quand on se met à débaptiser,
catégoriser, détruire, accuser, psychanalyser puérilement, à souhait ? Par contre, c’est
ce qui donne tout son charme à la littérature et la rend lieu de débats par
excellence : tout est possible, tout est permis. Certains ne se privent
pas d’abuser de cette particularité…
Comme je l’avais dit à Jab La sur
mon blog, je suis désolé de constater que mes Commentaires à l’encre rouge ont beaucoup plus attiré l’attention sur
les protagonistes que sur le texte Contre
toute langue et tout langage métropole des autres. Ce qui est bien
dommage puisque c’était justement lui qui m’intéressait. Mais puisque tu as
daigné suivre mes instructions et répondu fidèlement à mes préoccupations (je
pourrais m’enorgueillir de t’avoir mis en scène : eh oui, tel est pris qui
croyait prendre !), je te félicite pour ta Note à un jeune zélateur, tu y as mis un peu de toi, ce n’est pas le
talent qui manque ! Je n’ai pas de commentaires, je constate seulement que
le professeur émérite (oups ! j’ai failli le qualifier de grand…) Basil Bernstein,
peut-être bien d’autres avant lui (Sapir parlait des habitudes linguistiques du
groupe), avait vu juste : « Les codes sont, en eux-mêmes, fonction
d'une forme particulière de relations sociales ou, plus généralement, sont des
qualités de la structure sociale.»
(Langage et Classes sociales, p. 70) Il y a bien un parler prolétaire/un parler
bourgeois, un parler caractéristique des pauvres/un parler caractéristique des
privilégiés, mais les deux codes n’excluent pas la politesse. Les difficultés
de la socialisation ont la vie dure en Haïti !
Juste une remarque. Grands dieux !
Grande dame : il me semble que cela répugne à bien de gens que DD en soit
une, ne serait-ce que par rapport à son âge (le mot grand à plus d’une trentaine
d’acceptions dans certains dictionnaires) ! Jab La m’a laissé comprendre que
certains jeunes (par rapport à l’âge) malintentionnés ont essayé d’abuser de la
solitude de cette femme pour la faire accroire en leur amour (je ne parle pas
des collaborations dont on connait les fruits littéraires)… Faudra-t-il inventer
des critères, je préfère parler d’instruments (il serait intéressant d’interroger
le bureau international des poids et mesure sur l’affaire), pour mesurer la
grandeur de nos écrivains (quelle taille ? quel sexe ? quelle quantité
de livres publiés ? chez quel éditeur ? quels prix et distinctions ?quel
âge ? quelle langue ? quel thème ? quelle étude/université ?
quelles lectures ? je ne sais pas moi, c’est à toi de voir, mon ami) Mais
cela relève-t-il de notre compétence ? Pas de la mienne, en tout cas,
simple autodidacte de la littérature (animateur de bibliothèques) qui n’a pas
eu des cours sur les Bourdieu, les Bernstein, et Co. Je me suis quand même débrouillé pour les lire
ainsi que quelques commentaires écrits de leurs œuvres, juste pour le plaisir
d’apprendre et de confronter ma vision du monde avec celle d’autrui (assurément
tu connais un maître qui a déjà proposé cette démarche) ; je ne m’en suis
jamais tenu aux déductions, commentaires académiques et citations de mes
professeurs, qui m’ont toujours encouragé à le faire. Quand donc est-on une
grande dame (avant d’ajouter du métier) ? Je connais un poète qui
aimait bien trinquer avec un collègue juste pour le plaisir d’un beau vers fabriqué…
De la grandeur, je n’ai rien à dire
(que puis-je dire ?). Permets-moi de citer un poète du métier, qui n’aime pas
qu’on lui dise grand mais qui n’a aucun scrupule à trouver de la grandeur dans
ce que fait même un jeune poète : il y a tellement de poètes et si peu de
poésie.
Tu te défends d’avoir quelque chose
de personnel contre DD mais tu sembles l’avoir bien connu pour démasquer si
rapidement en un petit commentaire de quelques lignes sa nervosité longtemps gardée en
laisse ?
Révérend, avocat, Pierre, Bathimée,
zélateur (zélote)… tu sembles avoir de sérieux problèmes avec le référent
religieux ! Qui mets-tu en scène au fait ? Moi ? (Permets-moi d'en douter) Ou toi, Jean-Baptiste
qui crie[nt] que l’on doit commencer à travailler à promouvoir une « histoire
future de l’imagination et de la sensibilité » ou [je suis un des] David qui
ose[nt] parler sur le terrain (…) des Goliath ? Tu
as interpellé de ton inconscient des personnages bibliques, types de certains travers,
pour leur en mettre plein la vue. Astucieux ! Je veux bien te servir de
bouc-émissaire pour traiter/maltraiter tes névroses (ne te fâche pas, tout le monde en a, non ?) mais tâchons d’en rester aux textes !
Par-dessus tout cela, je serre la
main tendue ! Adieu, camarade !
Bonne continuation !
PS :
1-
J’attends la démonstration de cette «
taxonomie en langage littéraire » que tu as diagnostiquée chez nos écrivains. Dans
Contre toute langue et tout langage métropole
des autres, tu parlais de la querelle
séculaire – bien évidemment sous le couvert de l’hypocrisie – qui divise
certains écrivains haïtiens sur la manière d’écrire ou sur la langue. Tu n’avais
pas posé le problème de langue par rapport à l’éducation comme le fait Iv Dejan
(je crois qu’il préfère l’orthographe créole, au moins sur la couverture de Yon lekòl tèt anba nan yon peyi tèt
anba) Sont-ce nos auteurs qui n’écrivent pas créole ou nos éditeurs
qui n’en publient pas ?
2-
Ouais, l’apprentissage demande du travail. Ta
souffrance est commune à tous les artisans de la langue, qu’ils soient fils de
maçon, comme moi (mon père est contre-maître),
ou fils de bibliothécaire (je suis animateur de bibliothèque).
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