Festival national de poésie : La route est un poème

La 4e édition du Festival National de la Poésie est lancée officiellement le mardi 9 septembre au Ministère de la culture sous le thème De la poésie à la musique. À l’Institut Français d’Haïti (IFH), le récital de textes et de poèmes chantés, donné par Paul Dirmeikis et Mérédith Le Dez, aura marqué les esprits pendant longtemps. Mais tout ceci n’est qu’un apéritif, Guy-Marie Louis nous réserve tout un plat à Jérémie. En attendant, l’on savoure une petite entrée pour fine bouche : la route.

Paul Dirmeikis et Mérédith Le Dez, éditeurs et poètes bretons, sont les invités spéciaux de la coopération entre l’Association des Maires de la Grand’Anse (AMAGA) et le Conseil Général du département des Cotes d’Armor, région Bretagne (France). Ils ont pris la route au point du jour le 10 septembre avec Claude Clément Pierre, Jean-Claude Fignolé, Guyton Dorimain (Les Trois Mousquetaires) et Evains Wêche (il y avait tout de même un quatrième mousquet !) On n’a pas tous les jours des guides touristiques pareils. Le réveil de la vie à Port-au-Prince est tout un spectacle. Les marchés publics le long des villes sur la Nationale # 2 sont une découverte. Les plantations de canne à sucre datant pour la plupart de la période coloniale, les montagnes vertes de Saint-Louis du Sud, la démarche nonchalante des riverains… émerveillent nos amis bretons !

Une petite escale aux Cayes pour savourer un plat de grillot et un excellent jus grenadia (fruit de la passion tropical). Claude Pierre, autoproclamé grand prêtre bizango dans son très beau poème Entre chien et loup (in Le Voyage inventé), explique à nos hôtes, l’origine de ce mot africain, communément associé aux sociétés secrètes haïtiennes opérant la nuit. Et Jean-Claude Fignolé, considéré par le jeune éditeur Wébert Charles comme le plus grand écrivain haïtien vivant, de nous faire un cours magistral sur la tribu bijango, les différences entre vodou et sorcellerie, les particularités de cette religion trop mal comprise par les occidentaux.

On entame les montagnes de la Selle. Les courbes des Rampes où râlaient les autobus, il y a de cela quelques années. La fameuse rivière Glace sur lequel est jeté un pont tout neuf. Les falaises du Fanmpadra dépourvues de leur gros appendice de pierre. La végétation dense et variée. Le soleil et le ciel bleu. Ah! Les beautés de la Grand’Anse étonnent encore ses visiteurs. Portés par la poésie des lieux, les cahotements sur les tronçons de route encore en construction sont pour les voyageurs un bercement pas toujours désagréable puisque supporté en lisant des poèmes. Et l’on débouche sur Pestel. 

 

Village de pécheurs, terre qui a donné naissance au président Pierre Eustache Daniel Fignolé, parent de Jean-Claude Fignolé, Pestel se passe de présentation. La Plage Anse Blanche est un puissant digestif. Sable fin blanc, végétation sauvage (figuier, amandes, cactus…), mer turquoise, doux soleil, sourires et retrouvailles sur la Petite Cayemite encore inhabitée. Paul Dirmeikis est revenu onze ans en arrière. Mérédith Le Dez s’est transformée en maitresse de la mer. Claude Pierre, qui a charge d’âme, rappelle à la berge certains esprits trop épris du grand large.



Le temps de se rincer, des langoustes, du lambi frit et un merveilleux poisson rose en court-bouillon nous attendaient autour d’une bouteille de whisky sur la jetée du port enchanteur de Pestel. Comment alors ne pas chanter la mer, briseuse de frontière ? La poésie nous vient de la mer, nous rappelle Guyton Dorimain. Sérénade improvisée. Servie par l’émouvante voix et les doigts magiques de Paul Dirmeikis, les textes de Tristan Corbières, Victor Segalen, Georges Perros, Claude Clément Pierre, Mérédith Le Dez jouent avec toutes les cordes sensibles de nos vieux cœurs. 

Une Mérédith bien carrée, dont la voix n’a pas peur des mots, nous ravage le corps et fait naitre en nous un violent désir d’infini. Jean-Claude, Guyton, Fédo… ont carrément poussé des cheveux noirs ; il fallait les entendre, tard dans la soirée, massacrer Tino Rossi, s’imaginant sous les fenêtres de leurs dulcinées, accompagnés des notes tendres de la guitare de M. Yoland Gilles, dont les doigts ont été finalement bien dégourdis.

 

La ville de Corail nous attend demain. Evains Wêche et Claude Pierre, natifs de la Cité de René Bélance, sont enthousiastes. Quelle tournure prendra cette visite ? Tout peut arriver sur une route comme celle-ci...

Evains Wêche

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