Au-delà du Festi MasiMadi
Une
église protestante qui invite ses jeunes membres, écoliers, étudiants, à
marcher contre l’homosexualité grandissante dans la Cité des Poètes[1] comme ce fut le cas au
Cap-Haïtien le 27 aout 2015[2]; ils sont légion à exhiber
leurs pancartes et crier haut et fort leur homogénéité;
Le
groupe Jeune Génération qui publie sur le réseau social Whatsapp
un texte choquant Disons non à l’homosexualité dans le pays pour
dénoncer la Loi sur le Mariage pour tous; le groupe appelle ses troupes à
« rester solidaires et vigilants, car, parait-il, le mal est à
venir ». Jeune Génération exhorte aussi les
parlementaires et la presse à résister: « le peuple vous
récompensera », promet-il;
La
plupart de nos chrétiens qui croient que l’homosexualité est contre-nature et
que chaque fois que nous perturbons la nature, elle reprend avec fracas ses
droits, par un tremblement de terre par exemple;
Des
homosexuels apeurés, des hommes et des femmes incompris, délaissés par le Dieu
d'amour et leur prochain… Le Festival Masimadi, Festival de films et des arts
afro-caribéens, reporté sine die à cause des menaces proférées contre ses
organisateurs le groupe Kouraj et la FOKAL (Fondasyon Konesans ak Libète), aura
mis la ville sens dessus dessous.
Dans Les
couleurs de la solidarité : solidarité arc-en-ciel[3], article publié le 27
septembre 2016 dans les colonnes du journal Le Nouvelliste par la jeune Péguy
F. C. Pierre, 3e prix (catégorie: presse
écrite) de la deuxième édition du Concours Jeune journaliste haïtien organisé
par l'Organisation internationale de la Francophonie, le cas classique de
Samuel, homosexuel traumatisé par les propos discriminatoires de son entourage,
nous émeut. Comment peut-on traquer ainsi un être humain, un frère, qui ne nous
a rien fait, qui ne nous doit rien, qui ne s'occupe que de ses affaires, sous
prétexte qu'il est immoral?
Plusieurs
de mes contacts sur Facebook, Whatsapp ou autres réseaux sociaux fustigent les
gays haïtiens, le groupe Kouraj et la FOKAL, sous prétexte qu’ils sont
immoraux. Charlot Jeudy, Président de Kouraj a quand même précisé que beaucoup
des Conventions internationales que signent nos gouvernements sont favorables
à l’amour pour tous.
Quelques
universitaires perplexes cherchent à comprendre le pourquoi de ce tollé, étant
donné que dans nos sociétés les masisi ont toujours circulé sans se faire
inquiéter, les madivin sont connues de tous dans la cité.
Encore une fois, on crie haro
sur le baudet. Ça bout dans la ville! Et les sympathisants de la cause des
gays se cantonnent dans un silence observateur tandis la meute menace de
traquer les hommes roses.
Le Canada,
qui supporte le Festival, n’est pas venu nous apporter une pratique sexuelle,
Kouraj n’a rien inventé, FOKAL non plus, disons-le sans honte. Ce que les lois
refusent à ces hommes et à ces femmes différents, certains de nos loas le leur
autorisent. Mais ou est donc le problème? L’autre, avec sa différence, sa
complexité, son ambigüité, est un miroir. Et nous avons peur de nous
regarder dans le miroir, les yeux de l'autre, peur qu'ils ne nous révèlent à
nous mêmes tels que nous sommes. Avons-nous peur, tout simplement peur de
nous découvrir homo, bi, trans, bref LGBTQ, ou tout simplement hétéro après
nous être confrontés aux autres et à nous-mêmes...
J’ai
quelques amis gays, dont je tairai les noms, qui ne se sentent pas solidaires
d’une légalisation de leur sentiment et de leur orientation sexuelle naturelle,
ils ont été heureux avec leur partenaire sans cela comme la plupart des couples
haïtiens, en union libre... et libérée. "C’est tellement mieux d’avoir le
choix que d'être contraint, disent-ils! Au-delà du festival, c’est le
caractère importé de l’homosexualité qu’on veut nous vendre que nous exécrons.
Ce qui se passe dans nos alcôves ne regarde que nous, le Canada n’a pas à
toucher à notre intimité. Ça chatouille!"
D'un coté
les homophobes: une certaine église encore en croisade, pourchassant les
sorciers, alchimistes, et aujourd'hui, masisi/madivin; des jeunes moralistes
craignant que le Mariage pour tous n'ouvre la porte à un certain tourisme
puisque nous sommes à ports ouverts. D'un autre coté, des gays qui se foutent
de la législation de leur mode de vie inoffensif, déjà ancré dans les pratiques
de la communauté depuis que notre monde est monde. Tous deux pourfendent
l'intrusion imprudente de l'étranger dans nos affaires intimes à la veille des
élections largement financées par le Trésor public qui semble échapper au
contrôle de l’international...
Le
Festival MasiMadi a eu lieu, ses objectifs sont atteints. La question est
soulevée. Tout le monde en parle. Les organisateurs peuvent se sentir
satisfaits. Tout ce débat était inévitable. Jusqu’à présent rien de bien
dangereux et tout ceci aurait pu passer inaperçu à mes yeux. Je sors de mon
silence solidaire mais observateur parce que certaines réactions m’inquiètent:
Quel mal est à venir? Comment le peuple pourra-t-il récompenser la presse
résistante aux pots-de-vin des lobbys gays? Quelle est cette Église qui invite
nos enfants à manifester contre l'amour? Qui seront les hutu et les tutsi de ce
mal à venir?
Evains
Wêche
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