Pic Macaya : Faune déflorée
PREAMBULE
Puisque le monde ne nous appartient pas,
puisque Haïti n’est pas aux Haïtiens,
puisque la Grand’Anse n’est pas aux Grand’anselais,
puisque plus de 50% des étudiants de l’Université d’État d’Haïti
s’orientent vers le Droit Juridique, négligeant les carrières scientifiques
(génie, géologie, mathématiques, biologie, botanique, etc.),
puisque l’État haïtien
est fini et se fout pas mal de la
population,
puisque la communauté internationale a déclaré que l’État
Haïtien a failli (faillite de leurs plans de développement, faillite de leurs
programmes d’ajustement structurel, faillite du messianisme occidental) et
qu’elle n’est plus viable économiquement au point où tous nos grands amis, ainsi que les institutions administratives mondiales (FMI, BM, CEE, Banques centrales,
OMC) renoncent à nous prêter de l’argent —seuls des dons nous sont octroyés comme
à un mendiant, un paria de la
mondialisation, à qui l’on jette quelques os par pitié,
puisque nos différents gouvernements laissent pourrir sur
les comptes de leurs ministères même ces millions de dollars reçus en don —quand les dirigeants
ne les utilisent pas à des fins personnelles,
il convient
que la société civile
se réveille et se pose comme acteur de développement
puisque enfin de
compte c’est elle le vrai État d’Haïti!
ACTE I: L'EXPEDITION
C’est dans cette optique que suite à une expédition du
Professeur Blair Hedges, Directeur du Centre de Biodiversité de Temple
University —expédition à laquelle a pris une part active le Dr Philippe Bayard,
Président de la Société Audubon Haïti, —expédition financée par la National
Science Foundation et la Critical Ecosystems Partnership Fund,
c’est dans cette optique que plusieurs « points
chauds » identifiés au Parc National Naturel Macaya ont été classés Zones Protégées afin de permettre leur
prise en charge et tenter de sauvegarder son patrimoine écologique (faune et
flore) unique au monde. Notez qu’E-Power et Global Widlife Conservation
supportent ce projet —peut-être aussi dans cette optique…
Cet important travail d’exploration a fait l’objet d’un film documentaire, Extinction in Progress, projeté le lundi 5 avril 2016, dans le cadre d’une Conférence, autour du thème Éducation et Développement durable, prononcée dans les jardins de l’Alliance Française de Jérémie par le recteur de l’Université Quisquéya, le professeur Jacky Lumarque, et le Dr Jean Vilmont Hilaire, ancien Ministre de l’Environnement et ancien Président de la Société Audubon Haïti. Plusieurs vertébrés perdus par la science depuis plus d’une vingtaine d’années ont été retrouvés, de nouvelles espèces de reptiles et d’amphibiens non-encore décrites ont été observées, de majestueux oiseaux drapés dans leur plumage multicolore ont émerveillé les scientifiques. Un jour peut-être la Science parlera de l’Eleutherodactylus hedgesi ou de l’Anolis hendersoni hendersoni Hedges, comme on parle aujourd’hui de l’Anolis hendersoni hendersoni Cochran ou de l'Anolis hendersoni ravidormitans Schwartz, (ainsi appelés en hommage au diplomate John Brooks Henderson, Jr., et des herpétologistes Doris Mable Cochran et de Albert Schwartz, qui les ont découverts); le professeur Blair Hedges l’aura bien mérité.
ACTE II: L'ETAT MIS A MORT
L’Université Quisquéya (UniQ), l’Université Nouvelle
Grand’Anse (UNOGA), la Fondation Nouvelle Grand’Anse sont partenaires de ce
grand projet, qui vise à sauver les dernières forêts d’Haïti et, du coup,
protéger notre biodiversité. Le Sénateur Maxime Roumer, qui a fait figure de
modérateur de la conférence, l’a pourtant signalé dans l’une de ces interventions :
« On ne nous aide pas pour nos beaux yeux ! » avant de répondre
à un participant préoccupé par l’absence de l’État et des paysans des montagnes de La Hotte dans ce vaste
projet (si ce n’est que le logo de la BRH inscrit au bas des pages du beau
calendrier offert en la circonstance): « L’État est fini ! »
Quand un ancien candidat à la présidence, un ancien ministre
et un sénateur de la République vous tiennent pareil discours, nous sommes vraiment
finis…
ACTE III: LA DEBANDADE
L’un des responsables de la Fondation Nouvelle Grand’Anse,
ayant peut-être remarqué ma peine et mon désarroi suite à une telle déclaration,
est venu me demander si tout allait
bien, si je suis satisfait des présentations. Il a trouvé opportun de me
convaincre de la bonne volonté des différents acteurs impliqués dans le projet d’une
part et de la nonchalance de nos différents gouvernements d’autre part. C’est
un type bien, qui tente de répliquer le modèle Costaricien ici et qui rêve
d’une Haïti devenue la Suisse de la Caraïbe. Et pourquoi pas?
Il oublie
seulement que
tous ceux qui ont fini
l’État,
tous ceux qui ont depuis toujours manipulé les élections en Haïti,
tous ceux qui se jouent de nos dirigeants et de nos parlementaires,
tous
ne veulent
que nous fragmenter, démonter cette chère Union
fait la force inscrite sur notre drapeau et qui nous a permis de résister
aux colons, à l’Occupant, aux dictatures, aux brasseurs,
puisque cette Union est tout ce qui nous reste.
ACTE IV: LES BLANCS DEBARQUENT? BLANCS D'ICI
Il m’a raconté comment la petite localité d’où il vient
s’est organisée de manière à se pourvoir en eau courante, en électricité, en
école de qualité en faisant un pied de nez à l’État. Il aime son pays, il veut
y vivre. En tant que citoyen conséquent,
il ne demande à l’État que les services publics. Laissons la politique aux
politiciens, occupons-nous de nous avec
l’aide de la communauté internationale. Et moi de lui répondre :
« C’est dangereux, c’est trop dangereux! » On ne livre pas
ainsi sa fille, ventre affamé, aux prédateurs. Nous sommes 12 millions de
bouches, 12 millions d’êtres humains avec 18 besoins de base à satisfaire. Nous
sommes pauvres et illettrés, 12 millions de têtes et de paires de bras
potentiellement engageables dans les usines (« les chantiers de la
sueur »), les champs de canne-à-sucre, de cotons et de tomates pour une pitance.
12 millions de corps putanisables…
Une de mes amies jérémiennes m’a dit un jour : « Chaque
ville a son ONG, son blanc; nous, nous sommes les blancs d’ici! » Je ne
veux être le blanc de personne. D’ailleurs, pourquoi le blanc? Pourquoi pas: NOUS,
PAR NOUS, POUR NOUS?
ACTE V: FINISH HIM!
Le projet de sauvegarde du patrimoine écologique de nos « points
chauds » est bien beau tout comme celui du fameux « Corridor de
Développement » nouvellement découvert dans le Nord d’Haïti et qui
coïncide avec la découverte de nombreuses richesses naturelles (or, pétrole)
dans cette zone. Suivez mon regard… Où est l’arnaque? Pourquoi les
Ministères de l’Environnement, des collectivités Territoriales, de la
Planification et de la Coopération Externe, de l’Agriculture et des Ressources
Naturelles, entre autres, ne sont pas impliqués dans ce projet?
Pourquoi personne ne parle de la condition des paysans habitant ces
montagnes du massif de la Hotte? Pourquoi? Et surtout pourquoi garder des échantillons de notre faune endémique chez l'Oncle Sam dans l'objectif de les replacer sur le Pic Macaya après la destruction prévue de ces Haïtiens indomptables?
Je pose juste ces questions auxquelles semble répondre le
sénateur Maxime Roumer dans l’un de ses moments de fulgurance: « On
ne nous aide pas pour nos beaux yeux! »
Evains Wêche
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