Le verbe aimer est un roman

Madianite raconte qu’elle est en quête, elle veut comprendre l’amour. Elle étudie à longueur de journée l’histoire des amants de Vérone. Elle fait fausse route. Il n’y a aucun mystère de l’amour dans Roméo et Juliette. Ce n’est même pas la meilleure pièce de Shakespeare. D’ailleurs pourquoi toutes ces figures de style, ses tournures acrobatiques de langage et ses gros mots recherchés pour parler d’amour ? Pourquoi Juliette et Roméo passaient-ils tout ce temps à se dire l’amour au lieu de le faire ? Madianite est rentrée hier soir toute excitée pour nous raconter qu’elle venait de trouver « quelque chose d’extraordinaire » : Roméo qui traverse monts et vallées en quête de Juliette au purgatoire, qui gratte comme un chien sous le mur d’enceinte d’un foutu dortoir de femmes pour se frayer un passage, et qui, une fois Juliette retrouvée, fait des romances, dit de beaux mots à sa dulcinée, à peine osent-ils se toucher ! Pourquoi n’est-ce-pas Juliette qui s’est mise à la recherche de Roméo ? Pourquoi ne se font-ils pas l’amour une fois ensemble ? Moi, je vois plutôt le bonhomme, qui n’a pas eu sa lune de miel sur terre, se frayer un passage à travers la masse de femmes excitées du purgatoire, se jeter au cou de Juliette. Ils s’embrassent avec fureur et se font l’amour aussi simple que ça. Le verbe aimer est un roman lorsqu’il est conjugué aux temps et aux modes du corps. Madianite fait doublement fausse route. Comment rester pucelle et mener une quête vers la compréhension de l’amour ?
Extraits de Les sept quartiers de la parole, Le trou du Voyeur, Éd. Deschamps, 2013

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