Jean Appolon : danseur engagé


Jean Appolon, ancien élève de Vivianne Gauthier, s’est construit à partir de la danse.  Après une brillante carrière internationale qui l’a mené au spectacle Le Roi Lion en Hollande, il a créé la Jean Appolon Expressions afin d’offrir la danse aux jeunes comme une  arme à construction massive ! Il est dans/contre nos murs à Jérémie et rêve, aux côtés de Jean Sebastien Duvilaire, son hôte, de faire de cette ville la Cité de la danse…

Danser, un rêve d’enfance
Au début des années 80, un petit bonhomme de cinq ans est émerveillé par les pas et l’expression de Lavinia Williams, une étudiante de la grande danseuse américaine Katherine Dunham, pionnière du ballet folklorique haïtien. Il s’appelle Jean Appolon. Ses parents s’inquiétèrent de cette fixation. Pourtant, ils le laissèrent regarder les différentes prestations de l’artiste à la télévision pour se distraire. Quelques années plus tard, devenu pubère, il obtint une bourse chez Lynn William Rouzier. Notre bonhomme s’initia ainsi au ballet et à la danse folklorique haïtienne, tout en laissant croire à ses parents qu’il passait son temps à apprendre… le volley-ball! La supercherie découverte, il reçut la raclée de sa vie, mais n’en démordit pas. D’ailleurs, sa rencontre avec sa grand’mère paternelle, Claire Muller, elle-même adjenikon, l’encouragea encore plus à danser.

Danser, une thérapie
Un matin de dechoukay en 1991, Jean assista au tragique décès de son père, Ernst Apollon, brulé vif en pleine rue par la population. Sa mère vivant aux États-Unis, le voici dans le maquis. Son professeur d’alors, la désormais mythique Viviane Gauthier, comprend vite ce dont ce jeune homme avait besoin. Jean dansa pour faire son deuil, pour comprendre et accepter ce qui lui arrivait, pour se construire, pour pardonner… Lorsque sa mère décida de le faire venir aux États-Unis, il se sentit coupé de ses racines. Il rejoignit à contre cœur sa famille.

La Jean Appolon Expression (JAE)
Jean Appolon s’inscrit alors au cours de danse de la prestigieuse Havard Radcliffe de Boston en 1995. Il passa ensuite deux années à la Alvin Ailey American Dance Theater de New-York avant de rejoindre la Joffrey American Ballet Theater, où il se perfectionna de 1999 à 2004. Après avoir été refusé au spectacle tiré du célèbre dessin animé de Walt Disney, The Lion King (Le Roi Lion) à New-York, il fut accepté à celui d’Amsterdam en 2004. Son parcours l’amena un peu partout à travers le monde… mais Haïti le manquait.

Revenu au pays avec sa grand’mère, il anima un atelier de danse à l’Hôtel Le Palace pour cinquante étudiants plutôt curieux de découvrir ce qu’un jeune de la diaspora avait à offrir. En 2006, il rejoignit Nicole Lumarque et fonda quelques temps plus tard la Jean Appolon Expressions (JAE) dans le but d’offrir la danse comme thérapie aux jeunes. Le cours de Jean Appolon est construit de manière à permettre à l’étudiant de maîtriser son corps, d’acquérir une discipline, de travailler sa technique, de comprendre la culture haïtienne, mais surtout d’aller à la découverte de lui-même, d’affronter ses démons personnels et de devenir autonome.

Jean Appolon à Jérémie
La Jean Appolon Expression est une expérience qui a fait ses preuves après le séisme du 12 janvier à Port-au-Prince. Cette semaine, dans le cadre du Projet GRAND’ANSE IL FAUT BOUGER mené par le danseur professionnel Jean Sébastien Duvilaire, les jeunes Jérémiens, victimes de l’ouragan Matthew, ont cette chance de danser avec la JAE afin de transformer les cicatrices de cette catastrophe en tatouages... Artiste engagé, Jean Appolon s’indigne que les différents programmes de l’État négligent des besoins comme le sport, l’expression corporelle, la peinture, le cinéma… tandis que des bals, des ti-sourit, des festivals de DJ sont proposés à chaque coin de rue. Il estime que les jeunes sont exposés à toutes sortes d’expériences dans ces milieux (prostitution, grossesse prématurée, drogues, alcool, etc.) La JAE se veut une alternative à nos futurs citoyens pour la construction d’un vivre ensemble dans nos communautés. L’artiste espère que ce séminaire fera bouger la Grand’Anse et surtout secouera fortement les murs qui cloisonnent les différents groupes sociaux dans cette chère cité, qui a vu naître ses grands-parents.

Evains Wêche



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