Aux Sacrés : entre technique et mystique !
Dédiée à tous les saints,
les anges, Aux sacrés est une exposition de 13 sculptures et de
10 tableaux du plasticien et comédien Fritz-Gérald Muscadin, bien connu du
milieu artistique pour sa touche exceptionnelle, son imagination fébrile et sa
présence scénique. Cette exposition aura marqué la Bibliothèque Justin
Lhérisson de Carrefour.
Nouveautés peu nouvelles
Habitué aux extravagances de l’artiste et connaissant le
commerce de son art avec la poésie moderne, on s’attendait à des innovations et
des propositions déroutantes, à un tracé différent, des formes insolites et
insolentes, mais les sculptures de Muscadin ne sont pas si épatantes que cela. Les
13 pièces dédiées à nos sacrés : Sondemiwa, Ayida et Danmbala, Twoufoban,
Renn Asòtò, Gede… sont trop bien faites, trop bien sculptées justement, mais
elles ne nous laissent pas froids...
Dans le style des sculpteurs Casséus et Nasson de
Rivière Froide, ces 13 pièces taillées dans du bois précieux (chêne et acajou) sont
marquées par la formation académique de leur créateur. Le souci du dessin, des
proportions, de l’équilibre les rend diffèrent des travaux de ses deux maitres et
aussi des œuvres des jeunes sculpteurs qui travaillent le même style, tel Edouard
Baptiste, un ami proche, qui a beaucoup influencé l’œuvre de Muscadin. Ces rondes-basses
semblent être le fruit d’un projet académique, envahi peu à peu par la
technique de la récupération, très en vogue en Haïti. D’où la nette impression
que les statues pourraient très bien se passer des éléments récupérés, qui ne
sont pas l’essence du projet, malgré leur rôle expressif primordial.
Bois mort vivant
En effet, Muscadin utilise beaucoup de métaux en
particulier du fer et de l’aluminium pour donner vie à ces morceaux de bois
mort. À travers les billes de leurs yeux, ces saints semblent scruter notre for
intérieur pour diagnostiquer et traiter les faiblesses de nos bonzanj afin de
rétablir l’équilibre avec le cosmos. Nées du ciseau d’un artiste émerveillé et
dévot, ces pièces sont des créations d’une technique bien maitrisée.
Piété vermeille
Les 10 toiles sont dans la même mouvance que les
sculptures. Technique mixte, souci de la représentation dans le dessin,
surréalisme, abstraction, cubisme. C’est comme si Muscadin avait besoin de tout
son savoir-faire pour servir ses Dieux. Des toiles comme Manbo Zile, Le Labyrinthe, Femme de l’univers sont des
évocations/invocations d’empreintes mystiques indélébiles dans la vie de
l’artiste. La dominance des couleurs jaune (soleil: lumière, espoir) et violet
(saturne : spiritualité, méditation) est due à une représentation du monde
où le mal et le bien, le yin et le yang, men gòch ak men dwat, Kafou 4 (gen bon chemen ak move direksyon), ne
sont que les facettes indissociables d’une même entité.
Le mystère Aux Sacrés
Nonobstant ces considérations artistiques et techniques,
Aux sacrés est une merveilleuse
exhibition de créations nées de l’adoration, de la vénération des ancêtres et
de nos divinités. En effet, là où nous nous entêtions à voir une œuvre forte
née de l’imagination fertile d’un artiste maitrisant une merveilleuse
technique, là où nous cherchions le beau, là où nous guettions la moindre trace
d’émotion artistique pour nous en imprégner, nous sommes invités à ressentir le
sacré, la marque tangible du spirituel. Pour nous le prouver, la porte de la bibliothèque
a été mystérieusement fermée de l’intérieur –avec un cadenas, s’il vous
plait !– le vendredi 17 janvier
2014 vers 19 heures ! Il a fallu l’intervention d’un innocent de 8 ans,
qui a pu pénétrer dans l’enceinte par le trou d’une cloison ajourée (le trou du
voyeur ?) et nous ouvrir la voie… Qui a pu fermer le cadenas de
l’intérieur et ressortir sinon les saints, les anges ?
La BJL ne sera plus jamais la même après Aux Sacrés. Serait-ce le cas pour la
sculpture de récupération en Haïti ?
Wêchévains,
DJAB
Aux sacrés, Exposition de 13
sculptures et de 10 tableaux de Fritz Gérald Muscadin, Bibliothèque Justin
Lhérisson (Mon Repos 44, Carrefour). Jusqu’au 13 février 2014.
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