Assoiffé de bonheur

Ma génération met la barre un peu haute. Nous avons cru aux héros des livres et à la bonté du monde ; nous avons hérité de nos pères les rêves socialistes et socialisants, l’amour fou version surréaliste revu et corrigé ; nous avons été élevés dans des familles chrétiennes qui nous gavaient de grands idéaux et qui nous ont forgé une âme sensible et généreuse, gentille et naïve, conviviale et humble.

Avec Emile pour modèle, nous avons applaudi Tintin pourchassant les méchants, pratiqué le jiu-jitsu avec le commandant Bob Morane et son ami Bill Ballantine pour nettoyer le monde des malfrats, élucidé bien de meurtres crapuleux avec le bon Hercule Poirot. La Comtesse de Ségur est aussi passé par là... Il nous a été facile de nous émouvoir des aventures d’Harry Potter ou de celles de Frodon et nous nous prenons aujourd’hui pour les nouveaux Captain America, Spider-Man, Iron Man, Fantastic Four et compagnie.

Nos parents nous ont fait rêver d’un monde beau et juste. Du manger pour tous, de la paix pour tous, de l’eau pour tous, de la santé pour tous, du travail pour tous ; du droit à la vie, à la liberté, à la dignité, à une certaine humanité, à la justice sociale. D’un monde Père Noël qui congratule les efforts et les bonnes attitudes, les BA (Bonnes Actions) du scoutisme. D’une justice aveugle qui punit le coupable pour l’aider à rentrer dans les rangs des Hommes de Bonne Volonté. Mais le monde, celui que nos parents nous ont légué, n’est pas si simple.

Ces mêmes parents, qui nous ont donné cette merveilleuse éducation, qui ont inventé la plus grande coalition pour la paix (l’ONU, oui !) jamais réalisée de tous les temps, ces mêmes parents ont fini par se doter de grandes armées interventionnistes. Ces mêmes parents, qui nous ont gavés de grands idéaux, insufflé des valeurs morales et de nobles sentiments, ces mêmes parents ont financé leur grande civilisation avec l’esclavage. Ils ont construit leur or sur l’exploitation du plus faible en Afrique et en Amérique latine. Ces mêmes parents, qui nous ont enseigné le bon petit Jésus et son Père qui est au Ciel, qui nous ont fait miroiter un Paradis là où il n’y a que des étoiles, des planètes vides et des gaz, transforment les églises en musées, en bibliothèques ou même en boites de nuit.

Ils disent une chose pour en faire une autre. Il faut admettre qu’on ne s’en est pas choisi les meilleurs. Ceux-là nous ont effrontément menti. Le Père Noël n’existe pas. Godot, non plus. La Guerre est indispensable pour l’équilibre de l’homo economicus. L’exploitation est le revers de la médaille profit du capitalisme. La religion est aujourd’hui ce que la magie était au Moyen-Age, l’hérésie.

Que nous faut-il donc faire ?

Changer de parents ? C’est une possibilité. Certains philosophes proposent de tuer notre père, alors l'image du père, pour nous émanciper. Revoir notre éducation, la compléter, la modifier ? C’est très lourd comme projet. Le monde risque de virer de bord avant de le mener à terme.

Moi, je propose de garder la barre haute. De faire en sorte que nos héros deviennent réels. Que les Harry Potter ou Frodon aient raison dans la réalité comme dans les livres. Que des Hercule Poirot démasquent les meurtriers crapuleux. Que l’esclavage soit aboli sous toutes ses formes. Que la paix règne et que tout le monde puisse croire en qui il veut, prier le dieu qui lui plait, aller à la messe où ça l'enchante, ou même entrer au couvent comme bon lui semble. Je veux le monde qu’on m’a promis. Je l’exige.

Le Bonheur avec un grand B ! Sinon ça ne vaut pas la peine.


Wêchévains, DJAB

Commentaires

  1. Bravo avec un grand B Dr.Il nous faut garder la barre très haute,sinon le prix à payer sera impossible à calculer. Même par purr logique on n'a qu'à se dire que ce qu'on a a perdre en faisant ce choix est beaucoup moindre que d'essayer de tuer l'image du père. Voyez vous je commente le texte en l'adaptant a la realute, à notre realite,alors ce que d'autres personnes vont décider de l'abordersur l'angle de la poésie L'un ou l'autre peut faire l'affaire,il suffit que nous soyons conscient que notre poesie(haitienne) ne peut se défaire de notre réalité tout comme notre folklore.

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