Où il n’est pas question de Dany Laferrière



Je suis un petit garçon qui raffole des histoires, qui laisse parfois passer certaines farces, qui se laisse prendre à certains jeux mais qui n’est pas dupe. Je ne me laisse pas emballer facilement. Vieux Os m’emballe, voilà pourquoi je ne le supporte pas.

Il m’emballe, le coquin. Et  il en rit en  plus. Pour moi, c’est le comble. Il est le comble de la naïveté, de la simplicité, du radotage… Il est peu viril, peu fonceur, personnel, trop intimiste. La vérité, c’est que son histoire me remet en question. Pour qui me prenais-je ?

L’histoire de Vieux Os a tout l’air d’un roman fleuve, où tout coule. Au mieux un feuilleton à la manière sud-américaine. C’est pas du tout Autant en emporte le vent ou Les gens de Mogador, où les gens tirent leur révérence à la vie qui s’écoule indifférente. Avec Vieux Os, le temps s’arrête. Il fait après-midi. Et l’on discute avec Da-Dany qui se cache bien derrière sa vérité.

Paul Léautaud aurait bien aimé vivre Vieux Os ou lire Dany.

Lire Dany est une promenade. On fait un pas à chaque phrase. Et l’on s’arrête souvent non pour s’essouffler mais pour admirer. L’auteur est un pied poudré, il connait son affaire.

L’une de mes importantes amours m’a dit un jour que 90 % de ce que je raconte sont des balivernes et c’est pour cela que je t’aime, a-t-elle ajouté. J’aurais pu dire la même chose de Dany. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui mais il m’amuse tellement que souvent je le répète, je le cite. Il écrit comme une démonstration mathématique. C’est clair, convaincant même quand c’est faux. C’est peut-être dû à son métier de journaliste. D’ailleurs, je soupçonne Dany de dire : « c’est intéressant cela, laisse-moi faire un papier avec » comme ma mère qui disait, quand quelques restes de provision trainaient à la maison : « laisse-moi faire un brouillon avec ça » C’était son meilleur plat, notre préféré.

Vieux Os a plein de défauts qui me sont incompatibles mais quel futé ! Je l’envie de savourer le goût des jeunes filles à son âge. Je lui envie Da. Je lui laisse Vava, j’avais ma Ti-Mamoune. Ne m’incriminez pas, je ne suis peut-être pas le seul à lui envier son charme…

On se trompe à vouloir élucider le mystère de Vieux Os. Il n’y a pas de mystère, tout est là, clair. Il suffit de se laisser faire. C’est comme pour le sexe, en parler n’est jamais mieux qu’en faire. Lire Dany, vivre Vieux Os, c’est entrer de plein pied dans un univers de gestes lents, de dimanche après-midi, de sieste agréable, de temps qui s’étire…

Le promeneur qui va trop vite fait du sport. Il a hâte de raconter plus tard qu’il a tout vu. Certains paysages méritent qu’on s’y attarde, ils enrichissent le promeneur, parfois on y revient comme un lieu-ami où l’émotion est garantie.

Bien sûr que Dany se répète. C’est pour se repérer dans la vaste autobiographie de Vieux Os. Cela fait partie de la recette, ne pas perdre le lecteur, le dérouter, parfois.
Wêchévains, DJAB

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