Les Escales de Binic : une fête à la vie

Laissez-moi vous dire que Les Escales de Binic n’étaient pas un salon du livre. On dira bien que je n’en sais pas grand-chose puisque c’était mon premier Festival littéraire à l'étranger. On dira bien que je suis très jeune, qu’est-ce que j’en sais? Il y avait quand même 48 écrivains, venus un peu partout. De pays d’Europe (Suède, Danemark, Ecosse), ainsi que de la Centrafrique et, surtout de la Grand’Anse, pardon de la Bretagne, ah que je suis bête là, d’Haïti. Mais oui, oui, ce petit pays qui peine à se relever des crises politiques, des dégâts des cataclysmes naturels, des problèmes économiques et du choléra, mais qui a une masse critique d’écrivains talentueux et reconnus, de peintres doués et merveilleux, une vie culturelle foisonnante. Oui, oui, Haïti, cet oxymoron vivant ; Haïti, ce pays qui n’existe pas, à peine visible sur la mappemonde.

Une impression que les Binicais n’ont pas dû avoir puisque les écrivains Claude Clément Pierre, Jean-Claude Fignolé et Evains Wêche, représentants de la Grand’Anse (Haïti), invitée d’honneur de la 5e édition du Festival Les Escales, ont carrément brillé sur le salon. Ils sont arrivés à Binic en tirant le soleil comme un cerf-volant. On voit bien que l’espoir est là, que les haïtiens ont marre de quémander et d’être la risée de tous. Amoureux fous de leur tiers d’île, fiers de leur histoire mais lucides sur leur situation et leurs erreurs, ces écrivains misent beaucoup sur la force, le talent, le patriotisme et l’enthousiasme de la jeunesse pour transformer les choses.

Ceci dit, on les a trimballés partout.

St-Brieuc où ils ont fait le parcours Louis Guilloux avec des admirateurs de cet auteur engagé dont le père fut cordonnier, Louis Guilloux attaché à sa ville natale tout en étant l’ami intime de toute la crème littéraire de la mi-vingtième siècle : d’Albert Camus à André Gide, avec qui il a été en URSS, en passant par Aragon, Max Jacob, Jean Grenier et les autres. À Paimpol, ils ont rencontré les organisateurs du Festival de musiques du monde baptisé Chant de Marin, qui se propose de faire venir des artistes Haïtiens, plutôt Grand’Anselais, pour la prochaine édition en 2015. À Pordic, ils ont dansé les traditionnels pas de la musique bretonne sur l’air des accordéons et des violons dans un Fez Noz inoubliable.

La délégation haïtienne a entre autres visité la Maison du goût où de jeunes bretons se spécialisent en chocolateries et autres gâteries savoureuses, ils ont profité pour voir une salle futuriste où l’on essaie de mettre la dernière touche au modèle prototype de la voiture de demain –sera-t-elle totalement à l’électricité ou totalement à l’hydrogène ? Ils ont rencontré avec bonheur des jeunes filles et jeunes garçons curieux d’une classe de Terminales L du Lycée Fressinet, qui ont apprécié la nouvelle Entre adultes consentants (Le Trou du Voyeur) et les lectures improvisées de poèmes de Claude Pierre, dits par l’auteur.

Ils ont eu la totale !

Les surprenants élèves de l’EPIDE, les interventions provocantes de Jean-Claude Fignolé, les précisions élaborées de Claude Pierre, le nouveau regard d’Evains Wêche, la touche à M. Guillaume Hippolyte (consul honoraire d’Haïti à Bordeaux), la projection du film documentaire Haïti,les oubliés de la province du couple réalisateur Nicole et Georges Balavoine, les expositions Terres-Neuves/Terres Neuvas à Saint-Brieuc, Un point dans la nuit à la Mairie de Binic et les photos autour du Port… les haïtiens rapportent d'heureux souvenirs de rencontres les unes plus intéssantes que les autres. 

Définitivement, Les Escales, ce n’est pas un salon du livre. Le sourire des gens, les bises sur les deux joues, le dandysme du romancier Robert Blondel et sa jolie maison tout en couleur, les discussions qui n’en finissent pas sur le tremblement de terre, Dany Laferrière, Jean Métellus, Gary Victor, les ONG, la mer capricieuse et le ciel qui va avec, etc. Les Escales de Binic, ce n’est pas un salon du livre, c’est plus que cela. Pour ceux qui ont fait plusieurs festivals littéraires et qui sont fatigués des ventes-signatures où les livres foirent, Les Escales, c’est un oasis. Les Escales, c’est le dernier port du mot juste.

Evains Wêche


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